Rejet, doute, estime de soi en berne, grandes paraissent les ames a s’etre perdues dans l’hypermarche de l’amour.
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Paloma* se cache derriere sa belle humeur. Sourire a toutes les levres, elle se perd parfois dans la chronologie des dates Tinder qu’elle qualifie de «desastreux». Mes prenoms des hommes se cognent plusieurs fois entre eux. Abimee psychologiquement a la suite de la rupture douloureuse, elle semble s’i?tre inscrite sur l’application au debut de la belle saison.
Elle devient vite accro, attiree par les icones de couleurs –des techniques de gamification ou ludification qui poussent la personne a rester connectee. Une dizaine de garcons apri?s, sa conclusion reste sans appel: «J’ai l’impression d’etre la fille la plus laide de toute la Nouvelle-Aquitaine», lache-t-elle en souriant tristement. Sa confiance en elle s’est evaporee aussi vite que les gens qu’elle a rencontrees.
Son experience Tinder pousse Paloma a se remettre en question. Si la jeune cousine porte seule le gabarit une culpabilite, la responsabilite est pourtant partagee. Oui, l’application entretient Quelques mecanismes encourageant votre sentiment de frustration de via son opacite. «Les utilisateurs n’arrivent jamais a comprendre le systeme de Tinder puisqu’il reste tres invisible. Notre plateforme de rencontres n’explicite nullement ses choix. Par exemple, on nous montre votre mari ideal, mais qui fait ces astuces?» interroge Jessica Pidoux, doctorante en humanites digitales a l’Ecole polytechnique federale de Lausanne (EPFL).
«J’en venais a me demander si les chauves avaient votre effet repoussoir immediat.»
Environ une fois par semaine, Paloma se prend une claque. Un jour, c’est 1 homme hiki qui drague la serveuse du bar. Un nouvelle, elle s’etrangle lors tout d’un rendez-vous a le sujet: «Est-ce que tu es une cousine fontaine?» Complique de savoir si ces rendez-vous se seraient mieux passes en dehors de l’application, mais Jessica Pidoux note deux differences entre une rencontre classique et un rendez-vous Tinder: «Le volume et la vitesse entrent en jeu.»
L’application nous confronte a tant de personnes differentes qu’il est impossible de l’ensemble des saisir. «Ce volume important reste difficile a gerer. C’est une surcharge cognitive, explique la chercheuse, aussi le ghosting va permettre d’economiser des ressources, mais souvent on n’apprend nullement pourquoi on est refuse.»
Criteres d’evaluation
Sophie, la trentaine, n’a pas decouvert l’homme avec qui elle avait ressenti «un feeling purement epistolaire».
Pendant diverses temps, elle ecrit a une personne qu’elle ne rencontrera jamais. Elle crois avoir tisse une relation avec votre inconnu jusqu’a ce qu’il arrete de lui repondre. Sophie s’effondre et des questions se bousculent: «Pourquoi condamne-t-il la relation de une telle maniere? Notre reve est-il deja fini?» Le terme est beaucoup choisi, puisque Tinder a cree ici l’illusion de la histoire d’amour. «On pense s’abriter en retardant la rencontre mais ca laisse alors le temps de s’imaginer une relation. On reste souvent decu», estime Jessica Pidoux. Pourtant, l’histoire est beaucoup reelle Afin de Marie, tout comme le va i?tre sa souffrance.
Tout un chacun n’a gui?re la possibilite d’atteindre l’etape de la relation epistolaire. «Tout ce temps perdu sur Tinder m’a fait de nombreuses en gali?re, les likes etaient quasi inexistants», se souvient Damien. Le petit homme se sent blesse «pas tant dans l’ego mais plutot dans la confiance en soi». Pourtant, en amour, le petit homme n’a pas ete malheureux. Mais juge et note sur son apparence physique, il commence a complexer: «J’en venais a me demander si les chauves avaient 1 effet repoussoir immediat.» Lorsqu’on reste concernant l’application, on accepte d’etre reduit·e a une serie de criteres sur qui il faut etre evalue·e.
«Un date Tinder, c’est une partie de poker. Quand tu ne connais gui?re la fille i ci?te de toi, tu ne fais jamais tapis.»
«Les gens sont notes a travers des likes collectifs agreges. En fait, l’evaluation vient des autres utilisateurs, un systeme encourage evidemment avec Tinder», observe Jessica Pidoux. En d’autres termes, si on a minimum de likes, aussi on nous presentera des gens dotes d’une faible cote de popularite. Lorsque des matchs sont rares, l’application n’offre aucune explication rationnelle et laisse ainsi place aux doutes.
Arthur semble s’i?tre demande cela clochait chez lui. S’il parvient a matcher souvent, Cela reste globalement tres insatisfait de l’application. Cela constate aussi le decalage qui existe souvent entre deux individus et une telle impression de ne jamais etre soi-meme: «Un date Tinder, c’est une partie de poker. Quand tu ne connais nullement la fille en face de toi, tu ne fais pas tapis. Et parfois, on se trouve frustres l’integralite des deux», avoue-t-il.
Lasse, Arthur ne prend plus le temps de repondre a toutes les filles. «Le ghosting ou l’abandon de la conversation est facilite via le design de l’application», poursuit Jessica Pidoux. A la fin, il se contente juste de divers likes en guise de preuves d’amour gratuites. «Meme si t’es pas Brad Pitt, tu te dis au moins que tu n’es pas trop laid», confie-t-il. Peu importe qui like et pourquoi: avec Tinder, c’est le nombre qui compte. «L’application promet une fai§on de reconnaissance quantifiee, objectivee et chiffree. Et c’est a travers ces chiffres qu’on souhaite lire un chacun et choisir un partenaire», commente Jessica Pidoux.